Même s’ils apprécient la décision prise par le ministère de la Santé et de l’Action sociale sur l’amélioration de la prise en charge des urgences dans les établissements sanitaires publics, les patients et leurs accompagnants restent sceptiques quant au respect de cette mesure.
Hôpital Nabil Choucair. Après la porte principale, juste à droite, des patients font la queue devant la pharmacie pour acheter des médicaments. Au fond du bâtiment, un boulevard s’offre aux visiteurs. Assis derrière une table qui lui sert de bureau, face à un cahier, un stylo à la main, une dame oriente les malades. Aux services «Urgences», dans un petit couloir, des malades sont assis sur des bancs en file indienne. Ils entrent un à un dans le bureau du médecin-chef. Habillée d’un pantalon jean assorti d’un manteau de couloir noir, Madeleine Diompy tient dans ses bras son fils, un petit garçon, âgé à peine de 3 ans. Interpellée, elle dit avoir eu vent de cette décision du ministère de la Santé mais préfère jouer la carte de la prudence. Parce que, avance-t-elle, la réalité est tout autre dans les hôpitaux. «C’est une bonne décision parce que les populations souffrent énormément dans les hôpitaux surtout au niveau des services d’urgences. Parfois, quand vous venez, les médecins vous font poireauter pendant des heures alors que votre malade se trouve dans une situation critique. Si vous insistez, ils vous répondent que vous ne pouvez pas leur apprendre leur métier. C’est pourquoi je dis que c’est une bonne nouvelle, mais il ne faut pas aller trop vite en besogne. J’attends de voir le jour où je serai confrontée à une telle situation», lance Madelaine Diompy.
A l’hôpital Idrissa Pouye, ex-hôpital général de Grand-Yoff, les services d’urgences pour les blessés sont bondés de monde. Sur le banc de l’accueil, un jeune garçon, fauché par une moto, se tord de douleur sous le regard impuissant de sa maman qui tente de le calmer. Les infirmiers font des entrées et sorties dans la salle de soins. Difficile de leurs soutirer un mot. Dans une salle faisant face au couloir, des patients sont couchés sur de petits lits. Ceux qui n’ont pas de place sont assis sur des chaises. Dehors, sur un banc en dur d’une petite esplanade entre les services Chirurgie et Cardiologie, Diouma Faye est assise à côté d’un vieux mal en point qui adosse sa tête sur son épaule. Tenant par devers elle une ordonnance, elle dit avoir eu vent de la nouvelle mesure à travers les radios. Toutefois, elle préfère attendre que ces mesures soient effectives pour y croire. «Déjà, la gratuité des soins pour les enfants âgés de moins de 5 ans pose problème. La dernière fois, j’ai amené ma petite fille qui n’a même pas 3 ans, ici. Mais j’ai déboursé de ma propre poche pour payer le ticket de consultation et les frais pour les soins alors qu’on nous avait dit que, dans les hôpitaux, les enfants âgés de moins de 5 ans sont exemptés de tous les frais médicaux», rappelle Diouma Faye.
Accroché, ce médecin qui a requis l’anonymat soutient que le problème ne se pose pas au niveau de la circulaire, qui selon lui, ne fait que rappeler une partie du protocole de prise en charge des urgences. De son avis, ce qui n’est pas normal, c’est tout le bruit qui a été fait par le ministère de la Santé autour de la circulaire faisant croire aux populations qu’il est préoccupé par les problèmes des urgences dans les établissements sanitaires publics. La blouse blanche estime qu’il suffisait juste d’envoyer une note interne aux directeurs des hôpitaux pour leur rappeler les directives, mais pas en faire tout un tabac. Car, les problèmes de la prise en charge des urgences dans les hôpitaux publics ne sont pas nouveaux. Pis, il estime que le ministère de la Santé et de l’Action sociale est en train de réveiller l’animosité même entre le personnel soignant et les patients qui souvent s’ils ne sont pas contents, se déchargent sur les médecins ou les infirmiers. «Je ne suis pas opposé à cette circulaire parce que nous sommes dans un service public et il y a un chef qui est le ministre de la Santé et de l’Action sociale. Donc il est dans son droit quand il donne des instructions. Mais, c’est la manière dont il l’a fait qui pose problème. C’est comme si la faille se trouve du côté du personnel soignant alors que nous sommes confrontés à d’énormes difficultés internes sur lesquelles le ministre de la Santé ne communique jamais», fustige-t-il.
Samba BARRY