Même s’il ne remet pas en cause totalement la coopération sécuritaire entre les pays de l’Afrique de l’Ouest et l’Occident, le directeur de Timbuktu institute, Bakary Sambe, estime qu’il est urgent de prendre en compte les nouveaux paradigmes. Ce, afin de faire face à ce phénomène qui plonge beaucoup de pays africains dans une insécurité permanente.
Au regard de la situation qui s’empire de jour en jour dans le Sahel, il est temps que la coopération sécuritaire prenne en compte les réalités locales. En effet, selon Bakary Sambe, les recherches menées par Timbuktu institute dans les zones frontalières des pays de l’Afrique de l’Ouest ont révélé qu’il y a une forte incompréhension entre les populations locales et les forces étrangères. De sorte qu’il pourrait y avoir une sorte de conflit sahélien entre, d’une part, la communauté internationale qui en a une vision plutôt sécuritaire de coopération avec les Etats et de l’autre les populations locales qui sont dans un paradoxe. Pour le directeur de Timbuktu institute, ces dernières vivent de plus en plus les conditions sécuritaires draconiennes qu’on leur impose au regard de la situation et paradoxalement se sentent de moins en moins en sécurité. Dans l’analyse des questions sécuritaires, Bakary Sambe estime qu’il faut prendre en compte les nouveaux paradigmes. Car, souvent les analystes et les médias collent l’étiquette djihadiste à toutes les formes d’attaques qu’on voit alors que chez les populations locales on parle de banditisme et de criminalité transfrontalière. Le spécialiste des questions sécuritaires déplore le fait que les pays africains n’ont pas opéré une rupture conceptuelle. «Désormais, les terroristes n’ont plus besoin de faire des attentats de grande envergure mais de couvrir du vernis islamique tous les conflits pour attirer l’intervention occidentale tout en sachant que cette intervention va produire de la radicalisation. Il urge d’aboutir à une réflexion commune sur l’orientation des coopérations sécuritaires pour qu’elles ne créent pas l’effet contraire», conseille Bakary Sambe. Il s’exprimait avant-hier à Dakar, lors d’un séminaire régional sur «les coopérations sécuritaires au Sahel à l’heure des conflits intercommunautaires».
Le chercheur de rappeler qu’auparavant, les stratégies de lutte contre le terrorisme constituaient un minimum de consensus entre les pays sahéliens et les partenaires internationaux. Mais de plus en plus, les pays sahéliens et leurs autorités sont sous la pression d’autorités publiques contestataires des présences militaires étrangères, de mesures sécuritaires qui ne garantissent pas leur sécurité. Et de ce point de vue, avance-t-il, la lutte contre le terrorisme est en train de devenir un problème et de diviser les chefs d’Etat africains et leurs partenaires occidentaux. Ce, du fait qu’ils ne partagent pas les mêmes orientations que les occidentaux qui opèrent dans le Sahel.
Pour Dr Sambe, les attentats commis au Burkina Faso doivent attirer l’attention des chefs d’Etat africains. Parce qu’avant 2015, ce pays était cité en l’Afrique de l’Ouest comme étant la probable exception au regard du vivre ensemble, du dialogue inter-religieux et d’un ensemble de facteurs de cohésion sociale. Mais, aujourd’hui, le Burkina a inauguré l’ère de la fin des exceptions. Ce pays est dans une forme d’insécurité avec des conflits intercommunautaires dans le nord et sous forme de stigmatisation entre ethnies. «Il y a une nouvelle dynamique qui s’installe sans qu’on n’y prête attention, tellement les termes comme extrémisme violent, radicalisation, terrorisme etc. ont façonné notre regard qui est habituellement porté sur ces formes de violence. Même les analystes, leurs regards sont orientés vers des paradigmes rarement renouvelés. Aujourd’hui, nos pays et les médias occidentaux sont restés obnubilés par le paradigme djihadiste qui colle rarement à la réalité des faits et des violences qui sont perpétrées dans les pays de l’Afrique de l’Ouest», renseigne-t-il.
De son avis, les partenaires des pays du Sahel doivent comprendre désormais que les pays qui sont censés aider sont en train de subir des pressions de l’intérieur qui les poussent soit à des positions nihilistes en soutenant que rien ne se passe dans leurs pays, soit à tenir un double langage dans les grands foras internationaux lorsqu’ils s’adressent à leurs populations.
Samba BARRY