SARE YERO DIAO A ENTERRE SA FILLE
Yoba Baldé décapitée à Kolda, un crime très parfait
Yoba Baldé, la dame décapitée à Kolda, a été enterrée, hier à 12 heures 47 minutes, dans son village situé à moins de trois kilomètres de la frontière sénégalo-bissau-guinnéenne. Gendarmes et militaires tentent de percer le mystère qui entoure ce crime crapuleux.
(Correspondance) – L’ambulance de la commune de Tankanto a roulé sur une piste rurale très accidentée, parfois entre des vergers d’anacardes. C’est elle qui a transporté le cadavre sur une distance de près de 35 kilomètres, de l’hôpital régional de Kolda au village de la défunte, Saré Yéro Diao Soutou. Un car loué pour transporter les membres de la famille le suit. Dès l’entrée du village, peu après 12 heures, lorsque des villageois, la majorité composée de femmes, ont aperçu le convoi funèbre, des pleurs ont déchiré le silence. Quelques minutes auparavant, le boutiquier du village avait baissé rideaux. Devant sa boutique en banco et en zincs, se trouve l’arbre à palabres du village. C’est ici que le monde, particulièrement les hommes dont certains venus des villages voisins, guettait l’arrivée du cortège. «Est-ce qu’il peut passer vu l’état désastreux de cette piste ?», interroge un homme à son voisin, en apercevant l’ambulance bleu-blanc. «Il peut passer si le conducteur a la volonté», rétorque son interlocuteur. Vu l’état de la défunte, chaque minute semble être précieuse. Direction, le cimetière se trouvant à l’extrême sud-ouest du village. Cinq minutes après, voilà l’ambulance stoppée par une sorte de rigole, à dix mètres d’un vaste trou, transformé ensuite en une tombe, après la prière mortuaire au bord du cimetière. Yoba Baldé, décapitée dans la brousse, s’en va avec le mystère de sa mort. Les hommes l’ont enterrée en se bouchant les narines.
Retour au domicile mortuaire. Certains se sont résignés, comme Aliou Baldé, le frère de la victime qui raconte le film de l’horreur. «Au début, on s’était dit que Yoba était allée quelque part sans aviser personne dans la famille. C’était jeudi (16 janvier dernier). On ne soupçonnait rien ce jour-là. C’est le vendredi que son mari a commencé à alerter le monde. Le même jour, à bord d’une moto, je suis allé en compagnie d’un des membres de la famille au domicile d’un de nos parents en Guinée Bissau pour chercher Yoba. Elle n’était pas là-bas», raconte Aliou Baldé vêtu d’un pantalon Jean et d’un tee-shirt sombre. En fait, entre le village de Saré Yéro Diao Soutou et la frontière entre le Sénégal et la Guinée-Bissau, les villageois affirment que c’est moins de deux kilomètres de distance. Ce sont des pistes de brousse sur lesquelles, presque seules les motos de tout gabarit roulent. Et d’ailleurs, certains estiment qu’elles sont privilégiées par les trafiquants de drogue. «Toute la nuit, on entend le bruit de moteur des motos», soupire un villageois, précisant que, récemment, la gendarmerie a saisi des sacs de yamba à bord d’une moto abandonnée par son propriétaire ayant pris la fuite après avoir été poursuivi par le véhicule des gendarmes. C’est également l’une de ces pistes que Yoba Baldé a empruntée pour se rendre, début janvier, dans un village bissau-guinéen afin d’assister à une fête de circoncis. Pourtant, dans la zone, les villageois affirment qu’il existe un cantonnement militaire. Et que les soldats effectuent des patrouilles à travers les villages.
Oreille coupée et tête scalpée
Quand Aliou se rendait en Guinée-Bissau dans l’espoir de retrouver sa sœur, il est passé à côté du cadavre de Yoba. Car, il affirme que la victime a été retrouvée non loin de cette piste qu’il a empruntée pour rallier le pays du président Oumar Sissokho Emballo. «Le samedi, un paysan du nom de Kébé du village de Diamboulou qui désherbait son champ d’anacardes s’est inquiété des aboiements incessants de ses chiens attirés par l’odeur du cadavre. C’est lorsqu’il est arrivé à côté des chiens qu’il a aperçu le corps de Yoba. Il s’est empressé pour venir informer le village. Tous les villageois ont accouru pour voir le cadavre. Je n’en revenais pas. On a d’abord mis au courant les militaires qui ont joint au téléphone les gendarmes. Ils nous ont demandé de ne rien toucher. Ils sont arrivés avec les sapeurs-pompiers pour faire le constat avant de conduire Yoba décapitée à la morgue de l’hôpital de Kolda», poursuit Aliou Baldé, assis au pied d’un des nombreux manguiers du village.
La suite du film, c’est Koly Baldé, élève qui la joue. Ce jeune élève élancé de teint noir indique qu’avant que Yoba Baldé, sa sœur, n’aille en brousse, elle a préparé, comme presque chaque matin, le petit-déjeuner. Ensuite, le jeune élève poursuit que Yoba Baldé a acheté du poisson chez le marchand du coin. «Yoba Baldé l’a confié à la femme d’un parent du village. Elle a dit à ce dernier qu’elle va ramasser du bois mort et de l’oseille pour le repas de midi. Quelques heures plus tard, on l’a appelée au téléphone qui ne sonnait pas. Le samedi, on a retrouvé son corps sans la tête. Dimanche, je suis parti en compagnie d’un de nos papas. On s’est fait accompagner de chiens à la recherche de la tête de Yoba. C’est en marchant que l’un des chiens a commencé à aboyer dans les buissons. C’est à cet instant que nous avons vu la tête de Yoba sous un bosquet, le crâne rasé à moitié et une oreille sectionnée. La tête était quasi méconnaissable. On a appelé les gendarmes qui sont venus la récupérer pour l’acheminer à l’hôpital».
Le père de Yoba, Fodé Baldé, qui fait office de chef de village, était absent au moment du drame. Il dit avoir été informé par l’époux de Yoba Baldé, communément appelé Diallo.
Le téléphone de la victime introuvable… des coupe-coupes saisis
Aussitôt après l’enterrement de la dame décapitée, une vingtaine de gendarmes et militaires ont investi Saré Yéro Diao Soutou, à l’image des autres jours. Carnets et stylos et parfois le téléphone à la main, ils interrogent, fouillent, questionnent… Ils prennent aussi des notes. Et relèvent des numéros de téléphones. Depuis la découverte macabre, plusieurs personnes ont subi l’interrogatoire des éléments des forces de sécurité. «Les enquêteurs sont en train de rechercher le numéro de téléphone de Yoba Baldé», explique Aliou Baldé, précisant que la victime a récemment changé de numéro d’appel et de téléphone, après avoir perdu son ancien numéro, de même que l’appareil. «Ce nouveau numéro d’appel de Yoba, personne parmi nous ne l’a. C’est le principal problème. C’est ce numéro que les enquêteurs sont en train de rechercher. Peut-être que certains connaissent ce nouveau numéro, mais ont peur de s’afficher devant les gendarmes», fait remarquer le jeune Aliou. En tout cas, les gendarmes ont avisé, selon Maoundé Baldé : «Ils vont tenter de retrouver ce nouveau numéro auquel Yoba Baldé a souscrit avant d’être tuée. Si quelqu’un connait ce numéro, qu’il parle, sinon dès que ce numéro est retrouvé et remis en service, les propriétaires des derniers numéros avec lesquels, Yoba Baldé a communiqués seront arrêtés.» Au moment où il tenait ces paroles, gendarmes et militaires étaient partis inspecter le cadavre d’un mouton qui était prévu pour les funérailles de Yoba Baldé. Les gendarmes et militaires ont également fouillé des cases du domicile de la défunte. Sur l’une d’elle, accompagnés de la co-épouse de Yoba Baldé, ils sont ressortis avec un sac contenant des coupe-coupe. Quant à Diallo, l’époux de Yoba, il a été entendu par la gendarmerie, ensuite hospitalisé. Il était jusqu’à 15 heures hier, sous les ordres des gendarmes, selon ses proches. Il n’a même pas pu assister à l’enterrement de sa défunte épouse. Deux femmes avaient aussi été entendues, mais libérées, selon les villageois. Gendarmes et militaires ayant quitté le village aux environs de 15 heures tentent ainsi de trouver l’auteur de ce crime qui est pour le moment très parfait. L’enquête continue.
Baba MBALLO
Légende : Les circonstances de la mort de Yoba Baldé évoquent l’horreur