Une grande menace plane sur le Lac Rose et ses populations. La bande de filao est détruite et cédée aux riches qui sans scrupules aucune y érigent des villas somptueuses pour leur confort personnel.
La situation qui avait démarré sous Wade est accélérée depuis l’arrivée de Macky Sall dont plusieurs proches sont indexés comme étant propriétaires de parcelles dans la forêt. Au même moment le lac où l’eau n’est plus rose se rétrécit à cause de la pression foncière.
Le lac Retba, plus connu sous le nom de Lac Rose qui doit sa renommée à la couleur rose de l’eau va-t-il disparaitre ? Les Sénégalais se rappellent encore de l’engouement des rallyes Paris-Dakar qui faisaient gonfler l’économie du pays et donnaient une joie immense aux populations. Ce rallye Paris-Dakar n’y a plus son point de chute. Et le lac va de mal en pis. Une grave menace pèse sur la bande liquide et des habitants vivant alentour. L’inquiétude vient des populations elles-mêmes. Entre dunes, forêts de filaos et océan, une pression foncière terrible s’exerce sur le lac. Des personnes sans scrupule, sans morale aucune, s’attaquent au dernier manteau végétal qui sécurisait le lac. «Jadis, il existait une faune riche composée d’oiseaux, de chacals, de singes, etc. Aujourd’hui, plus rien dans cette forêt à moitié décimée», déplore ce vieil habitant du village de Niague Peul.
Un tour dans la forêt du lac montre l’état de détresse et de calamité instauré par les populations, les services de l’Etat et quelques riches autour du lac, de connivence avec certaines autorités administratives du département. Toute la forêt, pourtant classée, est aujourd’hui privatisée. Des lotissements clandestins encerclent chaque pan de la forêt. Des filaos jonchent le sol, terrassés pour l’installation d’infrastructures. Une situation qui révèle le «génocide» de ces espèces nobles protectrices de l’environnement. Des hôtels poussent comme des champignons. Là, ce sont des tracteurs qui sont passés pour accéder au lotissement. Tout au centre, un désert. Toute la végétation est décimée pour laisser la place au vide. «C’était la partie la plus touffue. Un gars est venu se l’approprier sans aucune inquiétude. Nous sommes pourtant au centre de la forêt de filaos», explique notre interlocuteur. Jusqu’au village de Benoba, qui accueillait les manœuvres (essais militaires) des armées françaises et sénégalaises, plus aucune place n’est libre. Mêmes les voies du rallye sont inexistantes. «Même les routes du rallye ont été loties. Les voies empruntées par les guides pour expliquer le village aux touristes ne le sont plus que de nom. Les spéculateurs fonciers ont tout pris», pleurniche notre guide.
Des murs sont construits tout autour de la forêt. Des barbelés montrent les limites privées de telle ou telle autre propriété. «Ce sont des gros pontes de l’Etat qui ont construit par là. Du temps de l’ancienne communauté rurale, les attributions étaient interdites tout autour du lac. Mais, ce sont les délégations spéciales qui ont aggravé les choses. Ils ont donné à tout bout de champs la forêt aux politiciens. Macky et ses hommes font pire que Wade dans le domaine du foncier», lance un antiquaire très remonté contre les spéculateurs et leurs complices, et qui cite le nom d’un grand responsable de l’Apr qui, avec sa femme, aurait contribué à détruire la forêt, en creusant et en vendant le sable marin du lac. «Le service des Mines et celui des Eaux et forêts, qui devraient plutôt garantir la sécurité autour du lac, ont joué un rôle de bandit autour du lac. En complicité avec la préfecture et la sous-préfecture, ils ont bradé le sable marin, provoquant ainsi un désastre. Ce sont eux qui ont autorisé l’extraction du sable marin en livrant des documents à des individus. Ils sont arrivés avec leurs machines et ont terrassé des hectares de filaos, creusé des trous béants qui sont devenus des mares et qui ont causé l’avancée de la mer dans plusieurs localités. Aujourd’hui, la mer est à quelques mètres des hôtels», déclare Mapathé Wade, propriétaire d’hôtels et vice-président du syndicat d’initiative. «Auparavant, à cause de la forêt touffue, on avait peur de venir au Lac Rose. Aujourd’hui, à partir du village, on peut voir la mer. Tout a changé», se désole un habitant de Niague Peul.
Tout autour du Lac Rose, des constructions poussent. De belles villas, des hôtels, des maisons de passe, d’étranges bâtisses que des pauvres ne peuvent pas acquérir. Des forteresses qui appartiennent à des riches. En notre présence, un géomètre est arrivé dans un véhicule noir. Il est suivi par deux hommes à moto. Ils descendent de leur monture et se dirigent vers le lac. «L’homme en costume est un acheteur. Il vient pour une reconnaissance de ses parcelles. Ça y est, l’affaire est conclue. Vous voyez bien qu’il a le pied dans le lac. Cet homme est du village, son seul +doucument+ est que ces arrières grands-parents avaient cultivé ici. C’est ce qui lui donne le droit de le vendre» dira Bocoum, président des hôteliers du Lac Rose.
Dans une partie du lac, des cités sont nées. «Seule la Socabeg est en règle. Les autres propriétés ne disposent pas de bons papiers», soutient Momar, un jeune du village.
Najib SAGNA