Un reportage réalisé auprès des usagers montre que les messages et photos choc imprimés sur les paquets de cigarette n’ont pas d’impact dissuasif chez les jeunes fumeurs.
Ils sont inefficaces car certains n’en tiennent pas compte, en raison de leur emplacement sur la surface du paquet.
«Fumer rend impuissant et stérile» ; «Pour arrêter de fumer, appeler gratuitement le numéro 800…» ou encore «Fumer cause une mort lente et douloureuse». Ce sont les inscriptions qui figurent en gros caractère sur la plupart des boîtes de cigarettes vendues à Dakar, avec une photo d’un fumeur mourant mal en point. Ces messages dissuasifs ne recouvrent que de 70 % de la surface du paquet, conformément à la recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Celle-ci exige que «les textes et photos recouvrent au moins la moitié du paquet, pour que l’effet soit réellement dissuasif». Depuis quelques années, les paquets de cigarettes vendus au Sénégal doivent obligatoirement porter des mentions informatives sur les dangers du tabac. Ainsi que des photos impressionnantes pour montrer aux fumeurs les conséquences sur la santé de leur addiction. Malgré les messages et images chocs imprimés, les jeunes fumeurs n’ont pas davantage envie d’arrêter la cigarette. C’est ce qui ressort d’un reportage de Walf Quotidien réalisé dans la capitale, auprès de fumeurs âgés entre 18 et 55 ans.
Dans la foulée, plusieurs fumeurs rencontrés jugent inefficace l’impact des images choquantes des paquets de cigarettes. A Derklé par exemple, dans un atelier de tailleurs, les discussions vont bon train entre les maîtres du ciseau et les clientes, confortablement assises. L’un des tailleurs donne l’air d’un fumeur : la peau collée aux os, les lèvres quasi brulées, les yeux couleur chocolat. Avec enthousiasme, Bakary laisse entendre qu’il n’y a pas les effets escomptés. «Cela n’a eu des effets qu’au début. La solution, c’est de fermer l’industrie du tabac. Cette image ne m’ébranle point. Je fume toujours. Il faut une autre publicité. C’est de la publicité mensongère», martèle-t-il. A ses côtés, une des clientes, Ndèye Fatou, explique le problème par le manque de suivi dans la sensibilisation : «C’est toujours le même problème, y compris les nouveaux produits», laisse-t-elle entendre.
Pour Mme Ndèye Fatou, les moyens peuvent impacter sur les effets de la sensibilisation. Mais pour Gipson, un fumeur rencontré sur place, ces images ne peuvent les choquer qu’au début. Il raconte même quelques anecdotes. La peur s’est estompée, selon, lui. Pour Gibson, il faut des moyens plus persuasifs tels que les panneaux publicitaires, télés pour faire passer l’image. Sur une autre allée de la commune, M. Badiane, marche à pas feutré. Casquette bien vissée sur la tête avec ses lunettes, une cigarette pincée entre les doigts, il lâche : «C’est dure de cesser de fumer. Quand j’arrête, j’ai mal. J’avais essayé il y a trois ans mais je n’ai pas pu. J’ai la volonté mais pas la force», dit le quinquagénaire qui dit avoir commencé à fumer dès sa jeunesse. Pour lui, il sera difficile pour le fumeur rodé de s’en sortir, même avec des images dissuasives. Pour M. Badiane, le problème est tout autre. «Tant qu’il y aura des soucis et le stress, le fumeur sera vulnérable et moins sensible à toute tentative de dissuasion», constate-t-il. Toujours à Derklé, Karim est un jeune fumeur, plutôt en forme avec un débit de parole rapide. «Il fallait faire une étude parce les Sénégalais n’achètent pas en général les paquets. Si le fumeur n’a pas envie de voir les images désagréables, il peut acheter en détails», analyse-t-il.
Plus de la moitié des personnes interrogées ne fument jamais, le reste se répartit entre fumeurs occasionnels et fumeurs réguliers (environ une vingtaine). Invités à décrire les photos, moins d’une dizaine d’entre eux se souviennent de celles placées à l’arrière du paquet, à l’exception des plus effrayantes, montrant un vieux mourant. Par ailleurs, moins d’un pour cent des jeunes fumeurs sont capables de les restituer, dès lors qu’ils ne sont pas accompagnés de photos. Interrogés en revanche sur les avertissements figurant sur la face avant (donc plus visible), près de la moitié des jeunes se rendent compte que fumer peut tuer. Pour un autre message couramment utilisé, «fumer nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage», le pourcentage atteint des proportions inquiétantes. Certaines personnes suggèrent que les avertissements soient davantage visibles, pour être vraiment efficaces.
Walf Quotidien