Dans le box des accusés où il s’entretient avec son avocat, avant le début du procès, Imam Alioune Ndao livre ses premiers mots, depuis son arrestation il y a 27 mois.
Devant la Chambre criminelle, cette sorte de tribunal spécial chargé de le juger, il se plaint des nombreux renvois de son jugement. «Ce sera très dur. Je suis peiné par les renvois de mon procès. Ce sera encore très dur pour moi et pour mes codétenus qui sont fatigués par leurs longues détentions et les nombreux va et vient entre la prison et le tribunal. Pensez à tous ces gens qui sont en détention depuis plusieurs mois maintenant. Ils vont devoir retourner en prison alors qu’ils avaient espoir d’être jugés aujourd’hui même», a-t-il confié hier, à son avocat conseil, Me Moussa Sarr venu lui faire part de la probabilité d’un ajournement du procès. Mais l’imam qui a eu du mal à concevoir un autre report de son jugement insiste auprès de son conseil. Ce dernier de revenir à la charge. «Je suis votre avocat et je me fais le devoir de vous aviser des motifs du report de votre jugement. Un nouveau juge est désigné pour présider l’audience de la Chambre criminelle spéciale et il aura besoin de prendre connaissance du dossier», a estimé le coordonnateur du pool de la défense. Après Me Sarr, les avocats de la défense se succèdent tour à tour au box des accusés pour faire comprendre aux accusés les raisons du report.
Après le renvoi d’office du procès au 14 mars prochain, l’imam Alioune Ndao qui s’est tenu debout dans le box des accusés lève les deux mains en signe de salutation. Il s’adresse aux membres de sa famille et aux nombreux parents de détenus présents dans la salle d’audience : «Je suis content de votre soutien. J’ai vu votre forte mobilisation. Vous êtes fatigués par les nombreux déplacements. Je suis témoin de votre engagement, vous avez quitté des localités lointaines du pays pour venir nous apporter soutien et assistance, j’en suis témoin. A la prochaine audience, vous pouvez ne pas venir, je ne vous pose vraiment pas toute cette peine. Mais la vérité finira par triompher. Que Dieu vous élève au-dessus de vos ennemis». Des pleurs et des larmes accompagnent ces paroles de l’imam Ndao, avant qu’il ne soit acheminé à la cave du tribunal, en attendant son transfèrement au Camp pénal de Liberté 6 où il est détenu depuis octobre 2015. Ces propos n’ont pas manqué d’égayer le public acquis à sa cause qui scandent, en chœur, Laa ilaaha ilalah (Il n’y a de Dieu que Dieu).
Hier à l’audience, certains avocats des accusés ont accusé un retard à l’audience. Ils sont venus après que le procès a été reporté à une date ultérieure, mais la séance n’était pas encore levée. Premier accusé à comparaître, Assane Kamara a préféré être jugé sans son avocat. «Ça ne me dérange pas, je veux être jugé sans mon avocat», indique-t-il, avec la soif de Justice qui se lit sur le visage. Mais le juge lui fait remarquer que «l’assistance d’un avocat est obligatoire en matière criminelle».
Pape NDIAYE