Face à la crise qui se répand au Moyen Orient, précisément entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, le Sénégal pouvait bien se faire discret. Hélas ! Dakar a ouvertement apporté son soutien à Riyad dans le conflit qui l’oppose à Téhéran, à la suite de l’exécution de 47 personnes dont le dignitaire chiite Nimr Baqer al-Nimr. Résultat : le ministre sénégalais des Affaires étrangères effectuait aujourd’hui une visite à Téhéran, il n’aurait certainement pas reçu les mêmes honneurs qu’en 2014.
Une visite au cours de laquelle Mankeur Ndiaye a rendu effective la normalisation des relations diplomatiques entre Dakar et Téhéran marquée par le retour de l’ambassadeur d’Iran au Sénégal, son Excellence Einollah Ghashghavy. Ce dernier s’est vu convoquer, il y a quelques jours, au ministère sénégalais des Affaires étrangères afin d’accepter mal gré bon gré le sermon du gouvernement sénégalais sur la crise entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Et le diplomate iranien ne semble point digérer outre mesure cette politique de «deux poids deux mesures» de Dakar. Pourtant, selon les spécialistes, l’Iran n’est plus considérée comme le grand Satan du Moyen-Orient. La récente levée des sanctions américaines contre l’Iran n’est pas du tout anodine.
Pour le justifier, l’ambassadeur d’Iran à Dakar a publié un communiqué pour attaquer, dénoncer, défendre et même démontrer que son pays «n’a aucune envie de faire escalader la tension» au Moyen Orient. L’ambassadeur a plutôt accusé l’Arabie Saoudite de «soutenir des extrémistes et promouvoir la haine sectaire». S’il est clair que l’Iran compte parmi les grandes puissances de la planète et donc capable de fabriquer des armes et d’armer des Etats ou des groupes, il y a de quoi s’inquiéter. Pas plus tard qu’en octobre 2010, la saisie de conteneurs d’armes au Nigeria qui devait être expédiées en Gambie, a provoqué un tumulte entre le Sénégal et la Gambie. Et c’est l’Iran qui était au banc des accusés. Ce qui avait causé le rappel par Dakar de son ambassadeur à Téhéran et la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.
Si entre temps, l’Iran et le Sénégal ont changé de chef d’Etat, le président gambien, Yaya Jammeh, lui, reste toujours maître dans son pays. Et si on sait que la partie sud du Sénégal, qui fait frontière avec le territoire gambien, est en proie à une rébellion depuis 1982, les autorités sénégalaises doivent avoir matière à réfléchir avant toute prise de décision. Quoi qu’il en soit, la place qu’occupe le président gambien dans cette affaire de saisie, en 2010, de conteneurs de lance-roquettes et des grenades en provenance d’Iran qui avait fini par ternir les relations diplomatiques entre Dakar et Téhéran, est plus que centrale. On peut toujours profiter d’une situation.