D’un coût global de 32 milliards de francs Cfa, l’arène nationale dont la pose de la première pierre a eu lieu, hier, au site du technopole, constitue une infrastructure digne d’une discipline sportive aussi représentative que la lutte. Avec ce bijou de 22 mille places qui tient sur 7 ha et dont la réalisation va durer quatre ans, le Sénégal tente de réussir un pari : se doter d’une infrastructure à même de pouvoir accueillir des compétitions internationales. Car il s’agit, en fait, d’une structure omnisport puisqu’en dehors des acteurs de la lutte, les pratiquants des arts martiaux et des sports de combats, les populations des zones proches de l’arène et les entrepreneurs engagés dans les travaux pourront en profiter.
Seulement, il se pose, aujourd’hui, la question de l’opportunité d’une telle construction, dans un contexte où la priorité dans la conduite des politiques publiques demeure une exigence. En effet, la conduite de ce projet n’aura sans doute pas été sans reproches, puisque des rumeurs persistantes font état d’une «vaste nébuleuse». D’abord, les différentes études sur l’impact environnemental ont été rejetées, mais à la surprise générale, celles-ci ont été validées par le ministère en charge de l’Environnement, pour des raisons purement politiciennes. Et la forte réprobation des populations de Pikine n’a pas fait reculer les autorités. Ensuite, il se trouve que ces études ont conclu à la non-faisabilité du projet dans cet espace qui est une zone non aedificandi, donc inapte à abriter un tel projet.
C’est dans cette perspective qu’il faut inscrire la démarche de l’Union patronale des architectes sénégalais (Upa) pour qui, la réalisation de ce projet, dans de telles conditions, n’obéit pas aux règles régissant la pratique architecturale. L’autre aspect relevé par l’Union patronale des architectes sénégalais est l’ignorance de l’expertise locale au profit de la compétence étrangère (Chinois, Marocains, Turcs…) qui réalisent presque toutes les infrastructures. «Nous avons subi, en tant que citoyen et chef d’entreprise, d’énormes injustices et préjudices dus à la mal gouvernance du régime précèdent. Réparer ces erreurs était notre attente», pense Assane Sarr.
Ces considérations amènent certains observateurs à croire que la construction de l’arène nationale sur le site de Technopole constitue, à bien des égards, un «déni à l’engagement de l’accord international environnement-climat». Car, du côté des juristes, l’on invoque la violation de la Convention de Ramsar qui protège les zones humides que le Sénégal a ratifiée depuis le 11 novembre 1977. Il fait constater que trois mois seulement après la Cop 21, le Sénégal se distingue, malheureusement, par un non-respect des conventions de diversités biologiques et de Ramsar sur les zones humides.
De plus, malgré la forte réprobation des populations de Pikine, notamment les cadres sous la houlette de El Hadji Malick Djitté, l’Etat a tenu à mettre en place l’arène. Pour lui, ce projet va générer de «lourdes conséquences» que la population de Pikine et ses environs vont malheureusement subir. Les cadres ont aussi expliqué que ce projet favorise et accentue les inondations dans la banlieue. «Quand vous prenez cinq hectares de la zone du Technopole pour les imperméabiliser avec du béton, les conséquences seront immenses et incalculables. Aujourd’hui, il y a un très grand risque d’inondation de toute la zone autour du Technopôle, parce que l’espace d’évacuation des eaux pluviales sera réduit», précise El Hadj Malick Djitté.
Aussi, il se trouve que Pikine, département le plus peuplé de Dakar, à beaucoup plus besoin d’un assainissement adéquat, pour régler ses problèmes d’inondation, plutôt que d’une arène nationale. «Nous ne sommes pas contre la construction de cette arène nationale, les lutteurs méritent de l’avoir, d’ailleurs ils méritent plus. Nous nous opposons, par contre, à son emplacement qui reste inapproprié. L’espace ne manque pas si le gouvernement tient autant à son projet de réalisation d’une arène nationale, mais le Technopole est le réservoir de captation naturelle de toute une zone de Pikine, Cambérène, Dalifort, Parcelles assainies, et tant d’autres, qui restent menacés», dixit les cadres de la localité considérée.
Le Gouvernement semble faire la sourde oreille face à toutes ces préoccupations, encouragé en cela par le «silence complice» de l’Ordre des architectes du Sénégal. Sans conteste, la construction de cet édifice va signer l’arrêt de mort de l’unique poumon vert qui restait jusque-là encore disponible dans la capitale. Autrement dit, il s’agira de tuer la seule réserve verte de cette zone dont l’humidité et la fertilité de la zone, en termes de cours d’eau, attire plusieurs espèces vivantes. En en même temps, favorise le développement de quelques cultures maraîchères, vivrières, entre autres. Pour Mamadou Diop Thione, leader de Pèche et écologie, les conséquences de l’édification de l’arène dans le site de Technopole sont l’équilibre de l’écosystème, l’insécurité des populations, le non-respect avis des citoyens ainsi que d’autres menaces.
Pape NDIAYE