Dans tous leurs états, les producteurs de la zone des Niayes disent avoir l’impression, au regard de la situation à laquelle ils font face aujourd’hui, que ceux qui dirigent ce pays se soucient plus du bien-être des agriculteurs marocains, hollandais ou français que de ceux sénégalais. Ce qu’ils ont tenu à dénoncer.
(Correspondance) – «L’année dernière j’étais à Potou et j’avais les larmes aux yeux quand j’ai vu des horticulteurs creuser des trous pour y enterrer leurs productions d’oignons qui commençaient à pourrir sur place du fait d’une concurrence déloyale favorisée par l’ouverture du marché sénégalais aux produits importés de la Hollande». Une situation catastrophique qui, selon le président de l’Appasen, Issa Omar Bass, risque de se reproduire cette année dans la zone des Niayes, particulièrement dans la localité de Diogo où les producteurs n’osent pas récolter alors que les choux sont arrivés à maturité. Pour cause, dit-il, le prix au producteur est à son niveau le plus bas du fait de l’inondation du marché par les choux qui viennent du Maroc. Avec la situation actuelle, les producteurs sont obligés de vendre le sac de 75 kilogrammes à 3 000 francs Cfa. Ce qui revient 40 francs Cfa le kilogramme. «C’est à cette situation que nous sommes aujourd’hui confrontés et cela n’est que la conséquence d’une absence de synergie entre les acteurs au niveau du ministère du Commerce et ceux du ministère de l’Agriculture. Lesquels devaient travailler en toute intelligence pour fixer la date de l’ouverture du marché aux importations». Et de poursuivre pour dire avoir l’impression, au regard de la situation à laquelle ils font face aujourd’hui, que ceux qui dirigent ce pays se soucient plus du bien-être des agriculteurs marocains, hollandais ou français que de ceux sénégalais. Sinon comment expliquer que, chaque matin, des dizaines de camions quittent le Maroc, investissent le marché national qu’ils inondent de leurs produits et créent une concurrence des plus déloyales puisque recevant des subventions de leurs Etats que les producteurs sénégalais ne reçoivent pas. Aussi ont-ils la possibilité de vendre à des prix que les nationaux n’osent appliquer. «A chaque fois que les Sénégalais achètent des produits marocains, hollandais ou autres, ils ne se rendent pas compte qu’ils sont en train d’étrangler leurs compatriotes. Nous sommes en train d’assister à une mise à mort de l’horticulture dans la zone des Niayes par ceux-là des ministères du Commerce et de l’Agriculture qui n’arrivent pas ou ne veulent pas travailler en synergie pour prendre les décisions appropriées quant à l’ouverture ou non du marché national aux importations».
De façon plus explicite, Issa Omar Bass d’indexer l’Agence de régulation des marchés (Arm), qui autorise les importations et qui, selon lui, ne fait pas son travail parce qu’aucun de ses agents ne descend sur le terrain pour voir ce qui s’y passe, ce que les gens sont en train de cultiver, le volume de la production et quand est-ce que les produits seront récoltés pour se faire une idée de quand est-ce qu’il va falloir ouvrir le marché ou pas.
Quid de la Direction de l’analyse, de la prévision et des statistiques agricoles (Dapsa), et des données erronées qu’elle fournit ? Pour le président de l’Appasen, toutes les statiques agricoles que cette direction publie sont fausses. Et pour illustrer son propos, il cite le cas du directeur de l’horticulture qui, selon lui, passe tout son temps à dire que le Sénégal a récolté 140 000 tonnes de pommes de terre l’année dernière et que la consommation de pommes de terre au Sénégal est de 90 000 tonnes. «Si nous produisons autant de pommes de terre, comment expliquer que la même année nous ayons importé 40 000 tonnes pour nous retrouver avec 200 000 tonnes sur le marché alors que le besoin est de seulement 90 000 tonnes ? Cela n’a aucun sens». Idem, poursuit-il, pour la production d’oignons qu’on annonce à 400 000 tonnes pour des besoins en consommation de 300 000 tonnes. Soit 100 000 tonnes de plus que ce dont le pays a besoin pour sa consommation. Alors qu’est-ce qui, logiquement, pourrait expliquer le volume d’importation d’oignons de l’année dernière puisqu’on a produit plus que ce dont on a besoin ? Suffisant pour soutenir que les statistiques ne peuvent pas être bonnes puisque la Dapsa ne vient jamais sur le terrain pour constater d’elle-même ce qui s’y fait.
Et Issa Omar Bass de se dire convaincu qu’à ce rythme, si rien n’est fait, c’est la fin de l’horticulture au Sénégal. Car ce que les horticulteurs récoltent pendant la campagne de commercialisation, c’est ce qui devra leur permettre de financer la prochaine campagne horticole en termes de semences et d’intrants. Alors se pose la question de savoir ce qui va se passer l’année prochaine s’ils ne parviennent pas à écouler leurs produits. Aussi Issa Bass et ses collègues horticulteurs de tirer la sonnette d’alarme afin que des dispositions soient prises pour sortir le secteur de l’horticulture de cette impasse sans laquelle il se meut.
Sidy DIENG