Beaucoup de familles à Dakar peinent à assurer les trois repas quotidiens. Ainsi, pour avoir de quoi mettre sous la dent, le soir, de nombreuses personnes se contentent d’acheter de la bouillie de mil, du pain avec du niébé…
La nuit reste agitée devant les «Tanganas» de Dakar. Ce sont des espaces aménagés au bord de la rue proposant un menu varié: spaghetti, brochettes de viande, frites, omelettes… C’est vers ces lieux, que des dakarois se ruent, après le crépuscule, à la quête de nourriture. Au quartier de la Gueule Tapée, des vendeurs de «Tangana» sont légion. Ousmane Badji, orphelin, les fréquente depuis longtemps. Sa situation familiale l’oblige à manger dans la rue. «Avant la mort de mes parents, nous mangions à satiété en famille. Mais depuis qu’ils ont quitté ce monde, la famille a presque volé en éclats. Nos ainés nous assurent uniquement le repas de midi. Le soir, tout le monde se débrouille. C’est difficile en tous cas», lance Ousmane Badji, attendant sa commande de pain et d’omelettes à base de mayonnaise.
Tout près d’Ousmane se trouve Sophie, mère de cinq enfants. Elle est venue acheter deux miches de pain mélangé à du niébé pour ses petits-enfants. «Ce qui est plus important chez moi, c’est le repas de midi. La nuit, chacun se démène. Chaque soir, j’achète du ‘pain niébé’ ou de la bouillie pour nourrir les enfants. Mon mari n’a pas d’emploi. C’est juste un courtier et les affaires ne marchent pas tout le temps», explique-t-elle. Avant d’ajouter : «Maintenant tout est cher au marché. Le prix du poisson et de la viande a augmenté sans compter les légumes.» Selon le rapport 2014 de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), 56,5 % de la population sénégalaise s’estiment pauvres. Pour Dakar, 45,7 % des ménages sont pauvres, dont 24,7 % sont très pauvres, selon l’Ansd.
Ainsi, s’alimenter au bord de la rue est devenue chose courante dans plusieurs quartiers de Dakar. Ce monsieur qui requiert l’anonymat a commandé un plat de spaghetti et des frites. Etudiant en master à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad, il préfère manger plus dans la rue qu’aux restaurants universitaires. Ses raisons ? «A l’université, il n’existe pas d’aliments de qualité. C’est pourquoi, je viens manger ici», affirme-t-il, même s’il est conscient du manque d’hygiène. «Je sais qu’il n’y a pas d’hygiène mais seul Dieu nous protège. Mais aussi les plats vendus à l’extérieur ont beaucoup plus de saveur que ceux servis à l’université», indique-t-il. Dans sa gargote, Fatoumata Diallo sert du couscous, de la bouillie et du thiakri (lait caillé mélangé à des grains de mil cuits). Chérif Assane Fall, étudiant en troisième année de comptabilité tient un pot à la main. Il est venu acheter de la bouillie de mil à 100 francs Cfa. Comme l’étudiant de droit, il constate le «manque de solidarité» à Dakar contrairement aux autres régions où, dit-il, «si tu vis en tant que locataire avec une famille, cette dernière t’invite à manger chaque repas. A Dakar, on est obligé d’acheter de quoi manger dans la rue parce que c’est moins cher que dans les restaurants de luxe».
Quant à Mariama Bâ, elle prélève son diner du repas de midi. «Depuis trois ans, les trois repas habituels ne sont plus au rendez-vous chez moi. Quand je prépare le repas, on garde une partie pour le dîner, qu’on sert à nouveau aux enfants. Quant aux aînés, ils se débrouillent pour trouver à manger. On mène une vie de débrouillard», indique Mariama. Samba Diallo est un sportif et vit avec ses parents. Il vient chaque soir acheter du thiakri. «J’ai déjà dîné à la maison, mais je suis juste sorti pour trouver de quoi manger encore pour pouvoir dormir tranquillement», indique Samba.
Ndèye Fatou DIAGNE
(WALF Quotidien)
* bouillie de mil, du pain avec du niébé