Aucun objet du musée d’art africain n’a été à ce jour transféré au musée des civilisations noires, a rassuré, hier, le directeur général du Musée des civilisations noires, le Dr Hamady Bocoum, par ailleurs, directeur de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan). Lors d’une conférence de presse du comité scientifique, tenue au musée, le Dg a démenti le transfèrement d’objets du musée de l’Ifan vers celui des civilisations noires. Pire, il soutient, «aucune demande formelle n’a été encore formulée». Ce que confirme le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ibrahima Thioub. «Je n’ai pas encore reçu ce courrier ni de l’Ifan ni de qui que ce soit», affirme-t-il. Car si le musée des civilisations noires adresse un courrier au recteur, c’est à lui de le transmettre aux instances délibérantes de l’université qui donneront une réponse positive ou négative. «Il n’y a pas besoin de créer un ouragan dans un verre d’eau, cela n’a pas d’intérêt ni dans le fond encore moins sur la forme», lance le professeur Thioub, par ailleurs, président du comité scientifique du musée des civilisations noires.
Cette mise au point de M. Bocoum fait suite à la sortie de quatre de ses collègues chercheurs à l’Ifan (Abdoulaye Keita, Mathieu Guèye, Alla Manga et Mouhamed Abdallah Ly), inquiets, ont à travers une lettre ouverte adressée au président de la République Macky Sall le mois dernier, alerté sur les risques de «transfèrement du legs scientifique de l’Ifan» vers le musée des civilisations noires.
Pour le recteur de l’Ucad où l’Ifan est rattaché, «si des biens appartenant à l’université sont menacés, le premier responsable est l’Assemblée de l’université dont je suis le président. A la limite, c’est à moi que le courrier aurait dû être adressé si menace il y a et si on est dans les normes universitaires». Selon M. Thioub, ces universitaires ont parlé en méconnaissance du sujet. Car précise-t-il, «il est d’une banalité affligeante de voir la circulation des objets qui sont dans les musées». Les collections peuvent circuler entre les musées que ce soit celui du Caire, du Quai Branly, de Cotonou, de Dakar, Théodore Monod, de la mer, etc. Et à l’image des bibliothèques qui se prêtent des ouvrages, les musées aussi se prêtent des objets. D’ailleurs, informe Hamady Bocoum, «l’Egypte vient de mettre à la disposition du Sénégal 62 objets originaux du musée du Caire. Hier seulement, j’ai prêté dix objets du musée Théodore Monod, cela fait partie de mes prérogatives en tant que directeur de l’Ifan et du musée, quelqu’un d’autre aurait fait la même chose, il n’y a pas lieu de perturber la République pour cela».
L’on ne doit pas s’attendre que des communautés noires de l’extérieur apportent des objets, des collections pour remplir le musée des civilisations noires que ce soit de façon permanente ou provisoire. «Si nous sommes en mesure d’aller en Egypte, berceau du Nil pour prendre au musée du Caire des objets et de les amener dans notre musée, on est jamais mieux servi que par soi-même», fait savoir le professeur Thioub.
Accusé de «directeur cumulard», le Dg du musée des civilisations noires, Hamady Bocoum avoue être un «polygame administratif basique». Il a toujours cumulé des fonctions administratives, car depuis des années, il a associé les postes de directeur de l’Ifan et de celui du Patrimoine avec «d’excellents résultats». Pour lui, il n’y a pas d’incompatibilité puisque le musée des civilisations noires n’est pas encore ouvert, la décision revient à son patron (le ministre de la Culture). «La question a été envisagée depuis longtemps, pas la peine d’en revenir. Ce qui est important, c’est que nous sommes dans des contrats de performances», indique-t-il.
Le comité scientifique et celui de l’organisation s’adressaient à la presse en prélude à la conférence internationale de préfiguration du musée des civilisations noires qui s’ouvre jeudi à Dakar.
Fatou K. SENE