En s’attaquant au «pouvoir exorbitant du procureur de la République», le bâtonnier de l’Ordre des avocats a démontré comment le parquet retarde les procédures, entretient les lenteurs judiciaires et bloque souvent le travail des juges d’instruction. Pour Me Mbaye Guèye, seule l’instauration d’un juge des libertés permettra de contrecarrer cette superpuissance du maître des poursuites.
L’excès de pouvoir du procureur de la République a été décrié par le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mbaye Guèye, hier. Pour renverser la tendance, il suggère l’instauration d’un juge des libertés car, selon lui, il n’est pas normal que le sort d’un prévenu dépende du parquet général. «Je milite en faveur d’une création d’un juge des libertés. Sur le principe, il n’est pas possible d’accepter qu’une partie à un procès, fut-elle privilégiée comme le parquet, décide de la libération ou de l’emprisonnement d’une autre partie. Il y a quelque chose qui ne marche pas. Le sort d’une partie à un procès ne peut pas dépendre de la volonté d’une autre partie», a déploré, Me Mbaye Guèye dans son allocution. C’était hier à l’occasion de la journée d’échanges et de partage sur l’indépendance de la justice, conjointement organisée par la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh) et l’Union des magistrats sénégalais (Ums).
Pour que la justice soit un pouvoir, il faut aller vers des réformes beaucoup plus profondes, a laissé entendre la robe noire pour qui le pouvoir judiciaire ne l’est que de nom. Et qu’il n’est pouvoir que sur le plan théorique. Il plaide, en outre, pour la levée des obstacles institutionnels. «Le juge peut apprécier et accorder une liberté provisoire à un prévenu, un simple appel du parquet suspend l’exécution. Il décide qu’un détenu soit libéré, un simple appel du parquet suspend cette décision. Les pouvoirs du parquet général doivent être revus», fait-il constater. De la même manière, selon lui, le juge peut aussi libérer un détenu provisoirement que la Chambre d’accusation confirme, mais un pourvoi du parquet général suspend la décision. «Nous avons vu une personne arrêtée, elle demande la liberté provisoire, le juge rejette la demande. Il fait appel, la Chambre d’accusation la libère. Le parquet général fait un pourvoi en cassation, la personne reste en prison», fait encore remarquer le bâtonnier.
Au lieu de soutenir son pourvoi en cassation, le parquet général reste trois mois pour se renoncer, à en croire toujours Me Guèye. Qui termine son speech en indiquant que «c’est avec cette renonciation que la personne concernée sera libérée. De quel droit doit-on faire dépendre la liberté d’une personne des positions changeantes du parquet ou de son chef, l’autorité politique ? On ne peut pas continuer comme ça. Il faut que le débat soit posé», réclame-t-il.
Salif KA