Les politiques ne sont pas les seules à pointer du doigt le train de vie élevé des tenants du pouvoir.
Pour certains acteurs de l’éducation, le gouvernement pouvait éviter les crises qui traversent notre système scolaire, s’il se dégraissait un peu.
Si le secteur de l’éducation traverse autant de crises avec l’année blanche qui a été frôlée de peu, c’est parce que tout simplement, le gouvernement cherche plutôt à se remplir les poches d’abord avant de se pencher sur les difficultés de l’école. Pour Abdoul Salam Sall, ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), l’Etat ne peut pas évoquer un manque de ressources alors que les caisses noires poussent comme des champignons dans les institutions. «On ne peut pas nous dire qu’il n’y a pas d’argent pour régler les problèmes du secteur de l’éducation et pourtant les caisses noires augmentent. Il faut être sérieux. Si on accapare tous les ressources du pays et dire ensuite aux enseignants d’être patriotes. Ce n’est pas normal», martèle le prédécesseur de Ibrahima Thioub qui s’exprimait, hier, à l’Ucad, lors d’un panel qui avait pour thème : «Quelles solutions novatrices pour l’école publique».
Une observation partagée aussi par Mathiam Thiam, enseignant formateur à la Faculté des sciences et technologies de l’éducation et de la formation (Fastef). Pour M. Thiam si la classe politico-bureaucratique qui est au pouvoir acceptait de se délaissait un tout petit peu de cette manne financière, cet argent pouvait servir à régler beaucoup de problèmes dans le secteur de l’éducation. Il soutient qu’un ministre a, à lui seul, 1 000 litres d’essence de dotation de carburant par mois. Cela fait 695 mille F Cfa sans compter les autres privilèges, c’est-à-dire les salaires, frais de voyages, les hôtels, etc. «C’est leur boulimie qui a fait main basse sur les ressources du pays. Donc c’est une question de redistribution équitable des ressources du pays vers les secteurs les plus stratégiques et les plus sensibles», indique-t-il.
Cheikh Mbow, coordonnateur de la Coalition des organisations pour la défense de l’école publique (COSYDEP) s’attaque à la pléthore de services chargés de l’Education. Pour lui, notre pays pouvait se passer de cette pluralité de ministères et de directions qui ne font que grever les caisses de l’Etat. Il cite à titre d’exemple le Japon, qui selon lui, est un pays plus puissant et plus peuplé que le nôtre alors qu’il a un seul ministère de l’Éducation nationale. Qui poursuit-il, est chargé de l’Education, de la Formation, de l’Enseignement supérieur, des Sports et de la Culture. «Au Sénégal, nous avons le ministère de l’Education nationale, le ministère de l’Enseignement supérieur, le ministère chargé de la Formation professionnelle, l’Agence de la Case des tout-petits, nous avons 4 à 3 directions. Ça pose problème. Notre pays a tous les moyens et toutes les ressources pour construire une école publique performante, accessible et acceptable, mais malheureusement chaque année ce sont des crises à n’en plus finir», regrette-t-il.
Saourou Sène, secrétaire général du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal (Saems), membre du G6 soutient pour sa part que depuis 1968, il y a un ensemble de crises qui se sont succédé au niveau du secteur de l’éducation. Et cela a été à l’origine de plusieurs forums et rencontres entre le gouvernement, les syndicats d’enseignants, des acteurs de la société civile etc. Le syndicaliste en chef rappelle que c’est par la suite que se sont tenus les états généraux de l’éducation de 1981, ensuite plus tard les Assises nationales en 2014, le Conseil présidentiel d’août 2015. Cela veut dire note-t-il, que quelle que soit la pertinence de ces travaux issus des différents rencontres précitées, la réalité est là, elle est têtue. Dans notre pays, le gouvernement signe des accords pour ensuite les mettre dans les tiroirs.
Samba BARRY