Pour avoir levé sa subvention sur l’électricité sous la pression du Fmi, après les carburants, l’Etat a poussé Senelec à appliquer la vérité des prix et à s’attirer les foudres de ses clients. Mais tout le monde sait que l’entreprise de Papa Mademba Bitèye ne peut rien décider toute seule, la commission de régulation du secteur de l’énergie veillant au grain. Une situation qui révèle le jeu trouble du gouvernement qui livre à l’opinion des «responsables» de cette flambée des factures.
La récente augmentation du prix de l’électricité est inacceptable. Et Guy Marius Sagna et ses camarades qui ont été embastillés pour l’avoir dénoncé n’ont pas leurs places en prison. Car, si les factures du courant ont flambé au point de faire des étincelles, ce n’est pas la faute de l’électricien, la Société nationale d’électricité (Senelec), dont les revenus annuels sont fixés d’avance encore moins celle des clients. La faute incombe totalement au gouvernement. Lequel a toujours maquillé les coûts réels pour différer cette contestation. En effet, tout le monde sait que depuis plusieurs années le Fonds monétaire international (Fmi) réclamait l’application de la vérité des prix dans le secteur énergétique lors de la revue de l’Instrument de soutien à la politique économique (Ispe). Mais le gouvernement qui avait trop misé sur le social a toujours fait la sourde oreille. Et c’est le ministre de l’Economie et des Finances de l’époque Amadou Bâ qui maintenait Senelec en survie grâce à des perfusions annuelles de plus d’une centaine de milliards de francs Cfa. Et la dernière a même atteint 250 milliards l’année dernière, nous dit-on. Ce qui ne pouvait plus continuer pour l’équipe de Macky Sall qui fait face à des tensions de trésorerie et est limitée en emprunt sur le marché international. Ce qui l’a récemment poussé à lever plus de 200 milliards de francs Cfa sur le marché régional à des taux hallucinants pour de courtes maturités.
Ne parlant plus d’année sociale depuis que le deuxième mandat a été réglé, le pouvoir commence à répondre aux exigences du Fmi. Et il a commencé par augmenter les prix des hydrocarbures de près de 200 francs Cfa par litre. Mais puisque les plus consommateurs n’ont pas été touchés, la mesure est passée sans une grogne populaire. Ce n’était que partie remise : la deuxième phase de cette spirale de hausse des prix de l’énergie a été la goutte de trop. La hausse sur le prix de l’électricité a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Et sans arguments, le gouvernement se défausse sur une mauvaise communication de Senelec sur cette hausse inéluctable.
Pourtant, dans les grandes mesures sociales, c’est le gouvernement qui se substitue au ministère sectoriel devant l’opinion pour expliquer le bien fondé de cette mesure douloureuse mais vitale à la société de production d’électricité. Comme cela a été le cas lors de l’annonce d’un bénéfice de Senelec, il y a quelques années. Mais aujourd’hui, tout le monde est sous la table. Et puisque l’opinion réclame des coupables, des têtes, on semble jeter en pâture, comme l’agnelle du sacrifice pour paraphraser notre confrère Mbaye Thiam qui vient faire paraître un excellent livre, l’équipe dirigeante du secteur. Ainsi, après avoir fait porter le bonnet d’âne au ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye dont la «faille» des services de sécurité n’a pas empêché à Guy Marius Sagna et sa bande d’atteindre les grilles du palais de la République, des sbires du pouvoir semblent presser de griller Mouhamadou Makhtar Cissé et Papa Mademba Bitèye. Lesquels ne peuvent pas publiquement dire que c’est le gouvernement qui a mis fin à sa subvention sur certaines tranches.
Alors qu’à l’époque, les communicants du gouvernement et du régime aimaient se satisfaire de la baisse de 10 % sur prix de l’électricité sur les plateaux de télévision pour vendre aux Sénégalais la bonne vision du chef de l’Etat dans ce secteur névralgique, personne ne monte en première ligne pour tenter de justifier la hausse ou de se faire l’avocat du diable. Une mauvaise camaraderie qui témoigne de l’atmosphère qui règne dans le pouvoir où l’on semble maintenant se jeter des peaux de banane pour enterrer de potentiels candidats au trône dans 4 ans comme l’Inspecteur général d’Etat Makhtar Cissé à qui beaucoup prêtent cette ambition.
Seyni DIOP