CHRONIQUE DE WATHIE
On n’en avait pas fini de commenter la photo le montrant, pistolet au poing, que le chef de l’Etat fait encore parler de lui. En réunion de Conseil des ministres, Macky SALL s’est longuement épanché sur les élections du HCCT en distillant des «je vous l’avais dit » à ses camarades de parti qui auraient outrepassé ses directives. Entre un Président jouant au cowboy et un chef d’Etat qui fait d’une réunion de Conseil des ministres une rencontre politique où des comptes sont soldés, Macky SALL ne désacralise pas uniquement les Institutions, il renvoie au monde une image autre celle connue jusque-là du Sénégal.
Le président SALL cherche à impressionner qui ? La photo le montrant, pistolet au poing, en train de viser on ne sait quelle cible, a été publiée dans quel but ? Macky SALL se plait-il autant dans l’habit de dictateur, que certains de ses détracteurs lui ont taillé, au point de vouloir revendiquer le titre en s’affichant arme au poing ? Des questions comme bien d’autres qui ne cessent de tarauder certains esprits qui refusent de croire que cette image a été hasardeusement publiée. Ou alors le chef de l’Etat, comme à l’accoutumée, s’est fait fourvoyer par des conseillers plus aptes à câbler des journalistes malléables à souhait qu’à élaborer une véritable communication institutionnelle.
Si le président Macky SALL cherchait, après son histoire du lion qui dort, à intimider ses adversaires, ceux-ci, au vu de la réaction de certains, ne sont guère apeurés. Bien au contraire ! En à juger les commentaires des Sénégalais, le chef de l’Etat est loin d’avoir convaincu. Comme avec son «lion qui dort », les moqueries ont accompagné les cris de détresse. Le quotidien la Tribune a, dans sa livraison de ce vendredi, relayé les complaintes d’une plateforme constituée de 60 organisations de la société civile qui, selon le quotidien, s’investissent dans la paix et la prévention des conflits au Sénégal et en Afrique. Pour ladite Plateforme, cette photo «ne donne pas une bonne image de la représentation que le Sénégal se fait de la paix et de la sécurité inscrites dans son document référentiel de politique économique et sociale». Avant la société civile, c’est Déthié FALL, vice-président de Rewmi, qui s’en prenait au service de communication du chef de l’Etat. «Il faut dire au Service de communication de la présidence, qu’un président de la République, arme à la main, en position de tir, ne renvoie pas à l’image d’un démocrate, d’un rassembleur et d’un homme de paix. Cela renvoie plutôt à celle de ‘Djimbori’ (un roi sanguinaire) », a-t-il réagi.
Mais, dans cette affaire, difficile de dédouaner Macky SALL. Le chef de l’Etat, en tenant le fameux pistolet, ne pouvait pas ignorer qu’il était en présence de photographes. Sa position tend même à renseigner qu’il a bien accordé à ceux-ci le temps de bien le cadrer. Et, c’est là où se situe le problème. Car, Macky SALL peut se photographier avec des sous-marins pakistanais s’il le souhaite, mais il est assuré que le Sénégal ne peut acheter la plus petite cartouche au Pakistan, sans avoir revu ses accords de défense avec la France. Des accords qu’il s’est dépêché d’aller actualiser au lendemain de son élection à la tête de l’Etat. Si un pays avait à acquérir des armes, le Président peut certes se charger des négociations en coulisses, mais ce sont véritablement les militaires, ceux qui s’y connaissent réellement, qui s’occupent de l’aspect technique. Le Nigéria a acquis 12 hélicoptères de combat à la Russie la semaine dernière, pourtant, aucune image n’a montré Muhamed Bouhari en train de manœuvrer un quelconque engin. Après que tout a été réglé, c’est le directeur adjoint du Service fédéral de coopération militaire et technique nigérian qui en a fait l’annonce. Plus près, d’après des médias proches du régime, le Mali a dépensé trente et un millions d’euros pour se doter de véhicules blindés et semi-blindés Renault Trucks Défense et de six hélicoptères Super Puma. Le Président Ibrahima Boubacar KEITA qui tente d’éviter à son armée une nouvelle déroute, après celle de 2012, est également, selon les même sources, en négociations avec le Brésil pour l’acquisition de six avions légers d’attaque A-29 Super Tucano. Tout comme le président nigérian, IBK ne s’est signalé à aucun moment, arme au poing. Et, curieusement, s’il fallait bander les muscles et fanfaronner, les chefs de ces deux Etats devraient être plus enclins à faire des selfies avec des armes que Macky SALL. Le Mali et le Nigéria faisant face à des groupes terroristes fortement armés. Même Yahya Jammeh ne s’affiche plus arme au poing.
A lire chaque samedi…
Par Mame Birame WATHIE
Chronique précédente : cliquez ici