D’après le président des Forces démocratiques du Sénégal, dans l’affaire Guillaume Soro, le Président Alassane Ouattara veut imiter Macky Sall qui a empêché Khalifa Sall et Karim Wade de se présenter à la précédente présidentielle. Babacar Diop indique que Ouattara veut barrer la route à l’ancien président de Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci), de se présenter en octobre 2020.
Le leader des Forces démocratiques sénégalaises (Fds), Babacar Diop est solidaire de l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne. En effet, la justice de ce pays, depuis le 23 décembre dernier, a émis un mandat d’arrêt international contre Guillaume Sorro. Il est accusé de tentative d’atteinte à l’autorité de l’État. Dans une lettre qu’il a écrite au concerné, Babacar Diop a indiqué que «ces accusations ont tout l’air d’être d’une manœuvre politique pour vous mettre en dehors de la course présidentielle». Et cela dit-il, rappelle à bien des égards, les cas de l’ancien maire de Dakar et de l’ancien ministre de la Coopération internationale et des Infrastructures et fils de l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade. «Les accusations proférées contre vous par le régime d’Alassane Ouattara rappellent celles du régime de Macky Sall au Sénégal, contre Khalifa Sall et Karim Wade. Ces deux candidats sérieux ont été injustement écartés de la course à la présidentielle de 2019. Nous avons à présent des gouvernants qui ont choisi de se replier dans des réflexes autocratiques et n’ont cure de la misère de leur peuple et de la paix sociale. Ils musellent la presse, interdisent les manifestations pacifiques et les répriment souvent avec l’usage excessif de la force policière», a souligné le leader du Fds. Qui poursuit : «Ils durcissent les conditions carcérales et s’en prennent fréquemment aux défenseurs des droits humains qui les interpellent sur les arrestations arbitraires, surtout des opposants politiques».
Dans le même ordre d’idées, il affirme que Ouattara a démontré à la face du monde qu’il a choisi «de piétiner délibérément les principes les plus basiques de la démocratie» en l’accusant de complot contre l’État. D’après toujours Babacar Diop, le Président ivoirien «agit comme la plupart des chefs de la vieille classe politique du continent, qui ont pris leur pays en otage, en instrumentalisant la justice et les institutions de l’État, pour écarter des adversaires politiques jugés encombrants». Le leader des Fds ajoute que ces chefs qu’il qualifie d’une certaine époque n’ont aucune intention de partir ou de passer le flambeau à la nouvelle génération qui déborde d’énergie transformatrice, mais accablée par des promesses de changement jamais tenues. C’est pourquoi, il invite les jeunes leaders du continent à barrer la route aux chefs d’Etat qui veulent se pérenniser au pouvoir. «Pour réussir ce pari, nous devons d’abord constituer un bouclier contre les restrictions de l’espace politique par des dirigeants qui manipulent les élections et tripatouillent les constitutions pour prolonger leurs mandats et satisfaire leur soif du pouvoir. En Guinée Conakry, Alpha Condé, qui achève son deuxième mandat en octobre 2020, cherche à lever l’obstacle constitutionnel pour être à nouveau candidat à sa propre succession. Au Sénégal, Macky Sall donne une réponse délibérément élusive au débat sur son troisième mandat qui est sur toutes les lèvres depuis sa réélection en février 2019 », souligne Babacar Diop. Qui, parlant de la Côte d’Ivoire, estime que Ouattara doit faire montre d’élévation en garantissant les conditions d’une saine compétition électorale à la fin de son mandat en 2020. Il rappelle que l’histoire de ce pays ne doit pas être un perpétuel recommencement et Alassane Ouattara est attendu pour indiquer une voie de sortie honorable : «C’est en réussissant à renforcer le processus démocratique et la paix sociale en Côte d’Ivoire qu’il sortira de l’histoire par la grande porte et permettra aux fils et filles de la Côte d’Ivoire de parachever l’œuvre d’édification de ce grand pays». Il se souvient d’ailleurs, de la crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011, qui a coûté la vie à 3 000 personnes.
Très en verve, le professeur de Philosophie à l’Ucad, soutient que sa génération ne peut pas se contenter d’être spectatrice de la marche du continent vers le déluge. «Nous avons le devoir d’être des acteurs qui participent à l’écriture de l’histoire d’un changement radical dans nos pays respectifs. Nous avons l’obligation de nous ériger en représentants des aspirations des vies quotidiennes et ordinaires, c’est-à-dire tous ceux et toutes celles qui ne parlent jamais, qui se taisent toujours : les invisibles. Notre génération doit travailler à récupérer les grandes idées généreuses et justes qui ont été au cœur de l’histoire de l’Afrique et de l’humanité afin d’élaborer un nouveau projet politique capable de mobiliser les masses populaires qui souffrent dans la misère et la précarité», soutient-il.
3e mandat de Condé, Macky
Revenant à Guillaume Soro, il affirme que le mandat d’arrêt lancé contre lui, à quelques mois de la présidentielle d’octobre 2020, ne rassure guère. «Nous percevons les mêmes symptômes qui avaient précipité la Côte d’Ivoire dans une crise meurtrière, il y a de cela une décennie. La tenue d’élections libres, transparentes et inclusives, organisées par des institutions indépendantes et qui débouchent sur un transfert pacifique du pouvoir à la nouvelle personne élue, serait le plus grand service que la classe politique ivoirienne pourrait rendre à son pays. Ainsi, nous soutenons qu’Alassane Ouattara doit être ouvert à un dialogue politique constructif avec l’opposition significative, pour définir les règles du jeu et consolider la démocratie et la réconciliation», dit-il. Et d’ajouter : «Nous osons croire que les tenants du régime en Côte d’Ivoire sauront savoir raison garder, en levant le mandat d’arrêt international contre votre personne, afin que vous puissiez rentrer au pays et poursuivre votre chemin. Nous espérons également que l’opposition ivoirienne sera solidaire pour exiger les meilleures conditions d’organisation de l’élection présidentielle d’octobre 2020. Nous pensons très sincèrement que cette démarche permettra de dissiper les craintes sur une nouvelle crise ivoirienne et ses conséquences dans une la région Ouest-africaine en proie au péril de l’insécurité», dénonce-t-il.
Mamadou GACKO