Un homme identifié par le Parquet comme originaire de la Guinée a ouvert le feu dans une boutique à Mbour, tuant deux personnes en plein jour. Des spécialistes de la sécurité décryptent cet acte qui rappelle le mode opératoire des terroristes.
Un braquage ayant entrainé la mort de deux individus, a eu lieu, ce week-end, à Mbour. Cet évènement malheureux, survenu en plein jour au marché de la ville, renseigne le parquet de Mbour, implique un individu de nationalité guinéenne. Il s’était, informe le communiqué, introduit dans une «boutique de change, armé d’un pistolet automatique de marque Browning, de deux chargeurs et des cartouches de calibre 7.65 pour commettre un vol». Devant la résistance du gérant de la boutique, poursuit le procureur du tribunal de grande instance de Mbour, «l’assaillant a tiré un coup de feu sur lui, le blessant grièvement avant de faire encore usage de son arme plusieurs fois pour organiser sa retraite». Selon le maitre des poursuites, le gérant de la boutique et une autre personne venue à son secours ont perdu la vie des suites de leurs blessures par balle et trois autres personnes qui étaient proches des lieux ont été aussi grièvement blessées. «Après la commission des faits, le mis en cause a été immédiatement interpellé par les services de police dans un bâtiment public où il s’était retranché. Les premiers éléments de l’enquête ont permis d’identifier l’assaillant qui s’appelle Aly Kouyaté, né le 02 février 1985 à Nzérékoré en République de Guinée», soutient-t-il.
Cet acte, d’après des spécialistes contactés par WalfQuotidien, évoque le franchissement de l’extrémisme violent au Sénégal. Même s’ils réfutent la thèse du terrorisme, ils pointent des failles dans le contrôle des étrangers. «C’est inédit. Ce sont des cas de délinquance qui se voient dans le monde. Ils sont très rares au Sénégal, surtout dans un marché», analyse Boubacar Sadio, commissaire divisionnaire de police à la retraite. Selon qui, c’est un signe de l’augmentation de la délinquance au Sénégal. «Les délinquants sont devenus plus téméraires. C’est un braquage en plein jour qu’on n’a jamais vécu. Le Sénégal ne connait pas ce genre de guet-apens. Mais, c’est loin d’un acte terroriste», estime-t-il. «C’est un étranger. Dans quelles conditions est-il entré dans notre pays ? Qu’est-ce qui a motivé son acte ? Il y a tous ces paramètres qu’il faut tenir en compte», fait savoir Boubacar Sadio. Selon lui, c’est l’occasion de régler beaucoup de choses. «Il faut profiter de cette situation pour revoir la sécurité au niveau des frontières. Il faut renforcer le contrôle des étrangers. Cela se fait dans tous les pays démocratiques», recommande-t-il.
Le Sénégal «est menacé»
Pour sa part, le commissaire divisionnaire à la retraite, Cheikhouna Keïta, rappelle que cet acte est venu confirmer des alertes qu’il avait lancées. «Le Sénégal est au centre du feu, entouré par des pays où l’instabilité n’est plus à démontrer. Nous avons tous ces pays qui nous entourent avec ces feux qui s’allument et s’éteignent de manière sporadique à la ceinture du terrorisme qui part de la Mauritanie vers le Golfe de Guinée, la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso… C’est comme si nous sommes protégés par une sorte d’écharpe. Cette protection est relative. Ces genres d’incursions d’individus le prouvent», fait-il savoir. Selon lui, ce sont des tendances de délinquance transfrontalière qui se manifestent au niveau des frontières. Des secousses permanentes, dit-il, qui n’arrivent pas jusqu’à la capitale. Au niveau des frontières entre le Sénégal et le Mali, soutient-il, il ne se passe pas deux jours sans qu’on apprenne des infiltrations, des formes de délinquance ou des tendances terroristes qui se manifestent. «C’est une réalité. Le Sénégal est menacé. Les mesures de prévention sont insuffisantes. Au-delà de la délinquance, il y a une tendance terroriste qui se manifeste», prévient-il. Avant d’ajouter : «Ce n’est pas un acte terroriste, mais un comportement délinquant. Il serait lié aux formes de migrations collectives dans des zones instables vers des espaces de sécurité. L’éclatement de foyers de violences de la sous-région entraine le fait que des groupes d’individus se dispersent et cherchent à trouver d’autres territoires sur lesquels ils vont traduire autrement leurs comportements déviants. Il y a aussi des délinquants qui cherchent à aller s’exprimer ailleurs. Ils auront la facilité d’accéder à des armes dans les territoires d’accueil».
Salif KA