Le ballet des témoins se poursuit au procès d’Hissène Habré. Témoins et parties civiles continuent de charger l’ex-homme fort de N’Djaména, sur les exactions et crimes commis par son régime dans la période allant d’avril 1982 à décembre 1990, au Tchad.
MARIAM HASSAN BAKARI, EPOUSE D’UN RICHISSIME HOMME D’AFFAIRES
«C’est Habré en personne qui aurait égorgé mon mari»
L’audience d’hier a été consacrée à l’audition de Mariam Hassan Bakari, épouse du défunt richissime homme d’affaires Saïd Nanga alias Michelin. Ce dernier, proche compagnon de Habré, se chargeait de la livraison de véhicules au Gouvernement. Soupçonné de s’être ligué au rebelle Mbadoum Abass de la communauté des Hajjarays, Saïd Nanga, d’après le témoignage de son épouse, a été arrêté par les militaires. Proche ami du Président Habré, il n’a jamais été revu depuis son arrestation en 1987. D’ailleurs, d’après son épouse, «Mon époux aurait été égorgé par le président Hissène Habré en personne».
L’ancien homme fort de N’Djaména interrogé, à son tour, par le procureur général Mbacké Fall par rapport à ces accusations n’a pipé mot. Il l’a royalement ignoré pour montrer une fois de plus son refus de ne point participer à ce procès. Saïd Nanga alias Michelin arrêté, la demeure familiale et les biens de Nanga ont été pillés. «Nous avons été chassés et dépouillés par les militaires envoyés par Hissène Habré», a-t-elle témoigné.
ABOU JAHAMIS, FOSSOYEUR
«Des cadavres avaient les intestins dehors et le crâne fracassé»
Entendu à titre de témoin, ce cultivateur de 55 ans a assisté et participé à l’inhumation de 12 personnes massacrées en 1985 à Mongo (centre du Tchad) par la milice populaire. Le témoin n’a pas montré l’implication directe ou indirecte de Habré par rapport à ces exécutions, mais il a décrit l’horreur de ces exactions commises sur des combattants de la Cdr et de la population civile. Abou Jamis raconte : «C’était horrible parce que dans certains cadavres, les intestins se trouvaient dehors. D’autres cadavres avaient le crâne fracassé… ». Toujours dans sa description des cadavres qu’ils ont enterrés, il précise : «On a découvert trois cadavres qui étaient ligotés avec une corde».
DAGOUBOU GAGOLMO, ANCIEN DETENU
Comment 16 détenus de la Dds ont été exécutés
Receveur et percepteur municipal, Dagoubou Gagolmo a été arrêté et a subi des exactions de la part des tortionnaires de la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds) par la seule cause de son amitié et de sa parenté avec Saleh Ngamba, leader de la communauté des Hajjarays. L’ordre de son arrestation a été donné par Mouhamet Bidon, l’un des lieutenants et proche collaborateur du Président Habré. De ce séjour carcéral, il a fait part au Tribunal spécial de l’exécution de 16 détenus au pied du mont Guerra. «Je faisais partie des 20 détenus qui étaient extraits pour être fusillés. On a eu de la chance parce que je faisais partie des quatre rescapés qui n’ont pas été exécutés», a témoigné Dagoubou Gagolmo. Le témoin a également exposé les formes de tortures soumises au témoin dans les locaux de la Dds. Il signale : «Nous étions 20 à 30 détenus entassés dans une petite cellule Il n’y avait également pas de lumières dans les cellules et nous effectuons un bain par semaine… ». Ces exactions ont entraîné des dommages avec la baisse de sa vision, la perte de ses cheveux…
MOUHAMET MAHAMAR DADJIR, TEMOIN
«Les tortionnaires arrachaient les ongles avec une pince»
L’audition du témoin Mouhamet Mahamar Dadjir a montré que Habré avait une haine contre la communauté Hajjarays. C’est ce qui a d’ailleurs valu l’arrestation de Mahamat Dadjir et des membres de sa famille. Séparés de leur pater, ils ont subi les pires formes de tortures dans les geôles. Pourtant, le père de la famille, un nommé Mahamat Dadjir, a été un proche collaborateur de Habré avec qui il a partagé l’enseignement supérieur à l’Hexagone. De retour au Tchad, avec un doctorat en sciences politiques Mahamat Dadjir a occupé de hautes fonctions au Tchad et ambassadeur du Tchad dans beaucoup de pays européens.
Soupçonné avec Idriss Miskine et ses autres frères Hajjarays de perturbations et troubles à l’ordre public, Mahamat Dadjir qui était chef de file de cette communauté a été arrêté avec sa famille au mois de mai 1987. Ils ont été six personnes à être arrêtées par les éléments de la brigade spéciale d’intervention rapide (Bsir) épaulés par un renfort de l’armée tchadienne. Dadjir n’a pas livré les détails de l’exécution de son père, mais il ne l’a plus revu. «Lors de la libération du Tchad de la terreur de Habré en décembre 1990, nous avons rué vers la présidence pour espérer revoir notre papa, mais on a obtenu aucune trace de lui», fait-il savoir avec des trémolos de la voix. Revenant sur les circonstances de leur détention, le témoin a exposé les conditions exécrables de détention où 150 détenus étaient enfermés dans une cellule de 6 mètres de long sur 3 mètres de large. En ce qui concerne les tortures, Dadjir a signalé l’arrachage d’ongles avec une pince par les tortionnaires…
Rassemblés par
Magib GAYE