L’autre personnalité qui s’est présentée à un jury du dimanche pour raconter des histoires, c’est Abdou Latif Coulibaly. Préférant sa casquette de politicien à celle de journaliste qu’il a jetée à la poubelle, le ministre ne s’est pas contenté de le montrer en défendant vaillamment le président Macky SALL. Il a aussi décoché des flèches empoisonnées à l’endroit de la presse. Seulement, Latif Coulibaly se trompe quand il dit qu’il ne s’est pas renié.
L’ancien journaliste ne ménage pas la presse. Abdou Latif Coulibaly ne manque aucune occasion pour flétrir les journalistes. Et, ce weekend, invité à l’émission le « Grand jury » de la RFM, le porte-parole de Macky SALL a, encore, tiré à boulets rouges sur les journalistes. « C’est vrai que le journalisme a été transformé en spéculation dans ce pays. Moi je ne spécule pas! (…) », lance-t-il. Au journaliste qui s’en émeut, il rétorque : « Comme vous ne manquez jamais de faire des leçons aux politiques que nous sommes. Pourquoi vous vous offusquez qu’on vous fasse des leçons alors que vous en faites tous les jours au gouvernement, aux ministres ? ».
Ainsi, Abdou Latif Coulibaly qui semble plus que satisfait de sa nouvelle profession de politicien, multiplie par zéro la crédibilité des journalistes à qui il fait la leçon. Pourtant, il ne faisait que récidiver. Au mois de mai dernier, devant un autre jury du dimanche, il soutenait : « 7 ans que je suis dans le Gouvernement, je n’ai jamais vu une enquête sérieuse organisée, travaillée sur ce qu’on appelle la mauvaise gouvernance au Sénégal. Il n’y a aucun livre sérieux publié sur ce qu’on peut appeler les scandales que moi j’ai dénoncé dans ce pays. Sans aucune prétention, je sais pourquoi les gens ont ma nostalgie dans la presse ». Défendant l’ancienne présidente du Conseil, Economique, Social et Environnemental (CESE), accusée d’avoir 8 véhicules de fonction, le fondateur de l’hebdomadaire La Gazette ajoutait : « beaucoup de choses qui sont relayées dans la presse y compris dans celle qu’on dit sérieuse qui sont fausses ».
Seulement, en accablant les journalistes dont certains ont été formés dans une école où il a longtemps enseigné, Abdou Latif Coulibaly a ajouté une phrase fondamentalement fausse et qui bat en brève l’essentiel de ses allégations. « Ce n’est pas parce que je suis dans un gouvernement que je vais me renier aujourd’hui», a-t-il clamé. Et c’est là où justement le bât blesse. Si Latif Coulibaly s’en prend régulièrement aux journalistes c’est, en grande partie, pour décrédibiliser un éventuel parallélisme entre ce que lui disait avant 2012 et la posture qui est la sienne aujourd’hui qu’il est au contact du pouvoir. En effet, celui qui se considère comme « ancien journaliste » semble avoir oublié qu’il s’était déjà rendu devant le « Grand jury ». Et ses diatribes d’hier sont aux antipodes de ses déclarations d’aujourd’hui. Dimanche 15 mars 2009, il observait : « Ma fonction première est d’être potentiellement, continuellement et perpétuellement en conflit avec le pouvoir politique (…) Ma mission, c’est de regarder ce que le pouvoir fait, de l’analyser, de le critiquer pour que les citoyens aient une grille de lecture lisible de ce qui se passe. Si cela peut être interprété comme une opposition, je l’assume totalement (…) Je suis contre la dépénalisation des délits de presse (…) pour moi, c’est un piège dans lequel tous les journalistes se sont jetés parce que c’était une vague. C’était à la mode dans les années 90 ». Dimanche 8 avril 2012, quelques jours après la formation du premier gouvernement dirigé par Abdoul Mbaye et dans lequel il ne figurait pas, Latif Coulibaly retourna devant le « Grand-Jury » et déplora énergiquement la nomination de Mbaye Ndiaye au poste ministre de l’Intérieur. Selon lui, un homme aussi coloré politiquement que Mbaye Ndiaye ne devrait pas être à la tête d’un département aussi stratégique que sensible. « La nomination de Mbaye Ndiaye au poste du ministère de l’Intérieur n’est pas une bonne chose, car c’est un partisan comme l’était Ousmane Ngom. J’aurais vraiment souhaité que les engagements pris par Macky Sall soient respectés », avait-il clamé.
Comme si le président avait compris que seul un poste d’envergure pouvait faire taire Abdou latif Coulibaly, il le nomma, le 29 octobre 2012, ministre de la Promotion de la bonne gouvernance et porte-parole du gouvernement. Et il vit juste. Latif Coulibaly cessait« d’être potentiellement, continuellement et perpétuellement en conflit avec le pouvoir politique ». Appelé à défendre les plus abjectes positions de celui-ci, Latif Coulibaly n’a plus pipé mot en dépit des nominations d’Abdoulaye Daouda DIALLO et d’Aly Ngouille NDIAYE, deux maires « apéristes, à la tête du département de l’Intérieur».
Latif Coulibaly a déserté les salles de rédaction, depuis belle lurette, c’est pourquoi, sans doute, il estime que « les gens ont sa nostalgie dans la presse ». Mais pour beaucoup, il est l’exemple type de ce qu’un de journaliste ne devrait pas faire : se servir de sa plume pour accéder aux arcanes du pouvoir.
Mame Birame WATHIE