Wade sait flairer les bons coups et les exploiter. Si l’on en croit Sonko, lui et l’ancien président de la République vont se rencontrer pour, certainement, dessiner les contours d’une future alliance qui pourrait sonner le glas de l’ère Macky au pouvoir.
«Je gagne ou je gagne», aimait ressasser Laurent Gbagbo. Ce qui veut dire, en termes moins redondants, que quel qu’il soit, le vainqueur ne pourrait être que lui, un proche ou quelqu’un à qui il aurait mis le pied à l’étrier. C’est ce qui semble se dessiner dans la tête de Wade avec qui, si l’on en croit le leader de Pastef, Ousmane Sonko aurait échangé au téléphone pendant une bonne heure. Entre Doha, Dubaï et Versailles où il pérégrine, Wade, comme un joueur de dames, pousse les pions. Le cas Madické «plié», en tout cas dans son aspect parlementaire, l’ancien président de la République laisse jouer son sixième sens pour flairer les bons coups et, comme un bon parieur, miser sur les bons chevaux. Idy éteint par «Makka ou Bakka» et réduit au silence, Khalifa en prison, Karim contraint à «l’exil» et incertain parce qu’ayant vu son inscription rejetée en dernier ressort donc inéligible parce que non électeur, Wade ne s’est pas arraché ce qui lui reste de cheveux pour savoir que, à l’heure H, Ousmane Sonko est le bon cheval. Si leurs négociations aboutissent sur un accord électoral, Wade aura réussi plusieurs coups à la fois. D’abord, couper l’herbe sous les pieds de son ancien bras droit et logeur à Fann-Résidence à qui il refuse le titre de candidat, même de substitution. Ensuite, et cela, Wade l’a toujours en tête : construire un axe suffisamment fort pour barrer la route à Macky Sall. Peu importe celui qui va le remplacer. L’essentiel pour Wade qui garde en travers de la gorge sa sévère bérézina de 2012, c’est d’empêcher un second mandat à Macky Sall. Quel que puisse être le prix, il est prêt à le casquer.
Il faut dire que ce n’est pas la première fois que l’ancien président de la République essaie d’engraisser un adversaire de Macky. Quand Malick Gakou a quitté l’Afp pour créer son Grand parti et s’inscrire dans l’opposition dure à Macky, Wade lui a fait les yeux doux. A Fann-Résidence comme dans sa maison de retraite de Versailles, il a reçu ce dernier. L’objectif, sans besoin d’être mentionné dans un communiqué, est clair : faire tout pour que Macky ne rempile pas.
Aux locales de 2014, Me Wade, malgré son âge avancé, a avalé des centaines de kilomètres pour aller prêter main forte à Aïssata Tall Sall, engagée dans la reconquête de la mairie de Podor face à un poids lourd comme Racine Sy. Mais, ce n’est ni la personne d’Aïssata Tall Sall, encore moins la mairie de Podor qui l’intéressait. Ce qui l’intéressait et l’intéresse encore, c’est de trouver quelqu’un à la carapace suffisamment solide pour, dans le moyen terme, faire face à Macky Sall. A-t-il trouvé ce qu’il cherchait en eux ? Mystère. Ce qui l’est moins, c’est que, avec Sonko qui a le vent en poupe et qui est, tout à son avantage, devenu le punching ball du pouvoir, le patron du Pds semble avoir trouvé le profil qui cadre à ses projections politiques.
Alors, cet axe Sonko-Wade, s’il se précise, pourrait faire plus de mal qu’on ne le pense. Il va allier la jeunesse, la fougue, la hargne et la virginité politique d’un Sonko nouvellement monté sur la scène et l’expérience d’un Wade nonagénaire qui a l’expérience politique dans l’Adn et qui a donné du fil à retordre à tous ses prédécesseurs au Palais de la République.
Ibrahima ANNE